19/01/2023
Russel Banks : Voyager
Russell Banks (1940-2023) est un écrivain américain. Après des études à l’Université de Caroline du Nord à Chapel Hill, il voyage, passe même quelque temps en Jamaïque. Il a écrit des romans, des nouvelles et de la poésie. Depuis 1998, il est membre de l’Académie américaine des arts et des lettres. Très actif politiquement, il est le président fondateur d’une fondation qui s'est donné pour mission d'établir aux Etats-Unis des lieux d'asile pour des écrivains menacés ou en exil. Paru en 2017, Voyager est un recueil de dix récits préalablement destinés à des magazines.
Le premier de ces textes et le plus long puisqu’il occupe presque la moitié du bouquin, nous emmène aux Caraïbes. Avec Chase, sa future quatrième épouse, ils vont d’île en île. Considérations économiques, sociales, politiques, géographiques, historiques… sur ces lieux alternent avec les descriptions de voyageurs en vadrouille. Pourtant, ce texte n’est pas un guide de voyage ou un récit classique du genre, puisque l’écrivain nous confie que ce périple a un but bien précis « Dans le contrat qui régissait notre façon de nous courtiser, Chase et moi, il y avait une clause inexprimée (…) qui voulait qu’avant que Chase ne m’épouse je donne les raisons de la fin de mes trois mariages ». Et le récit, principalement, d’évoquer le passé de l’auteur, sa vie, son père alcoolique qui abandonne sa femme et ses quatre enfants encore jeunes, ses divorces, son propre alcoolisme… le voyage géographique se fait voyage intérieur. Une constante qui se retrouvera dans tous les autres récits du livre.
Récits qui nous porteront vers les Everglades, Dakar et l’île de Gorée pour se documenter sur l’esclavage pour un roman, les Seychelles pour du repos mais où la vue d’un oiseau extrêmement rare et uniquement sur cette île, le scotche « Qui avait plus de prix pour l’univers, moi, ou ce minuscule oiseau noir ? ». Il y a aussi la fugue à Edinbourg en Ecosse pour épouser Chase, une virée en Alaska au volant d’un énorme Hummer anti-écologique testé pour un magazine et qui l’interroge « pourquoi tant d’Américains se bousculaient pour être dans la file d’attente des acheteurs ? » ou ces expéditions d’alpinisme et de trek dans les Andes et dans l’Himalaya.
Je l’ai dit, les voyages ne sont que des prétextes. Russel Banks est un homme de gauche, il décoche des fléchettes sur le tourisme, met en avant les problèmes liés au colonialisme et l’esclavage, les problèmes sociaux etc. Et en même temps, son véritable objet, c’est de se découvrir lui-même, « Au fond, je voulais savoir quel regard porter sur moi-même. Car au bout du compte, n’était-ce pas ce qui motivait une entreprise comme celle-ci, le désir d’apprendre à mieux se voir ? »
Si globalement il s’agit d’un bon bouquin, il y a aussi – et c’est toujours pour moi, ce qui me gêne avec cet écrivain – des longueurs et des passages un peu pénibles à lire.
« A notre époque, les voyages que nous choisissons volontiers sont en grande partie des voyages dans le temps. Nous allons à Paris, nous visitons Venise, Athènes et la Terre Sainte surtout pour avoir un aperçu du passé, et nous arpentons les rues pavées avec un guide à la main, un chapeau contre le soleil et un parapluie refermé – imitant le mieux possible Henry James à Rome et Flaubert au Caire. »
Russel Banks Voyager Babel - 422 pages -
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Pierre Furlan
07:00 Publié dans RECITS | Tags : russel banks | Lien permanent | Commentaires (4) | Facebook |