31/05/2021
Taylor Brown : Le Fleuve des rois
Taylor Brown est né en 1982 en Géorgie, dans le sud des Etats-Unis, puis il a vécu à Buenos Aires et San Francisco avant de s’installer en Caroline du Nord. Le Fleuve des rois, son troisième roman, vient de paraître.
Géorgie, le long de l’Altamaha, fleuve se jetant dans l’Atlantique. Un an après le décès de leur père, les frères Loggins, Hunter le cadet étudiant à l’université et Lawton militaire dans les commandos spéciaux, se proposent de descendre le fleuve jusqu’à son embouchure pour y disperser les cendres de leur paternel. Mais Lawton a une autre idée en tête, il espère comprendre comment est décédé leur père, retrouvé noyé… ça c’est le pitch de départ, pour un roman beaucoup plus ambitieux et riche que ce minuscule résumé n’en dit.
Le livre mêle trois histoires en parallèle qui se partagent les chapitres, à trois époques différentes, liées entre elles par le personnage central du bouquin, à savoir le fleuve, cet Altamaha qui peut être source de richesses ou mortel pour les hommes, hanté par une légende des temps anciens.
Nous aurons donc le périple de quelques jours des deux frères dans leurs kayaks, les personnages plus ou moins sympathiques qu’ils croiseront, leurs souvenirs d’enfance sur ce même fleuve, la nature de leurs lien fraternels ainsi que ceux complexes avec leur géniteur. Un trajet plein d’embûches, un combat écologique pour sauver ce pan de nature…
Bien avant dans le temps, il y a Hiram, leur père. Un homme violent, pêcheur vivant du fleuve, qui traçait son sillon selon ses convictions, sans arriver jamais à rien et dont les activités finales et fatales finiront pas être tristement révélées aux deux frères.
Et puis il y a la troisième histoire, que dis-je, il y a l’Histoire, celle qui remonte au XVIe siècle. Quand Jacques Le Moyne de Morgues (1533-1588), cartographe et illustrateur français, était avec Ribault et Laudonnière lorsqu’ils sont arrivés en Floride française en 1562 et ont fondé Charlesfort, puis Fort Caroline en 1564. Avec Le Moyne nous suivons les colons dans ce nouveau monde, le long du fleuve ; alliances ou combats contre les Indiens, recherche de l’or qui serait à portée de main dans les Appalaches, les souffrances, la faim qui les tue, la mutinerie de l’équipage, les Espagnols ennemis mortels…
Tous les acteurs du livre mènent une quête, celle de la vérité (comment est mort le père ?), celle de l’or (pour les colons), ou encore par-dessus les époques, celle du monstre, gigantesque serpent quasi préhistorique qui vivrait dans les fonds du fleuve, aux dires des Indiens dont Le Moyne a recueilli les propos et mis en images, légende qui se perpétuera au fil des siècles…
Un roman très dense, riche en faits historiques, extrêmement détaillé dans son écriture, tout en se lisant facilement. Certains critiqueront peut-être des points mineurs de l’intrigue, ou une sorte de lyrisme dans quelques passages. Chipotage. C’est un très bon bouquin, comme tous ceux de cet écrivain !
« Hunter pressent ce qui va se passer : la dynamite qui bascule dans l’eau, la charge étanche qui s’enfonce en sifflant vers le fond. La détonation étouffée, suivie d’un geyser blanc. Les cadavres qui refluent très lentement vers la surface, comme autant d’âmes englouties. Le fleuve boursouflé par les dizaines de ventres blancs de ces géants aux yeux ronds. Stupéfiés. Tout un peuple rappelé à Dieu, remonté de la nuit. Et au milieu d’eux, le grand mythe du fleuve : un monstre noir recroquevillé sur lui-même comme un organe malade. Inerte désormais. Une créature qui était devenue une légende à force de rumeurs et d’anecdotes éculées. Avant d’être réduite à ça. Voilà ce que prévoit Hunter. Mais il se trompe sur toute la ligne. »
Taylor Brown Le Fleuve des rois Albin Michel – 448 pages -
Traduit de l’américain par Laurent Boscq
Le livre est complété de nombreux dessins de Le Moyne, illustrant les propos du récit. Mais j’ai eu beau examiner le bouquin sous tous les angles, nulle part je n’ai vu les crédits pour ces illustrations ; à moins que ce ne soit un problème avec mes lunettes ?
J’ai donc fait des recherches et voici ce que j’ai trouvé chez Wikipédia : « Tous les dessins originaux de Le Moyne sont censés avoir, à l’exception d’un seul, été détruits lors de l’attaque du fort Caroline par les Espagnols. La plupart des dessins qui lui sont attribués émaneraient en réalité des gravures de Théodore de Bry, graveur et éditeur, huguenot d'origine liégeoise réfugié à Francfort, d’après les recréations de mémoire effectuées par Le Moyne après son retour. »
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