01/08/2022
Trevanian : L’Eté de Katya
Mystérieux écrivain que ce Trevanian dont on ignora longtemps tout de sa vie. Si son premier roman, La Sanction (adapté par Clint Eastwood au cinéma), parait en 1972, ce n’est qu’en 1983 que de premières indiscrétions commencent à filtrer par le Washington Post. Il semble avéré que Trevanian soit le pseudonyme de Rodney Whitaker, né en 1931 dans l’Etat de New York et décédé en 2005 en Angleterre. Au milieu des années 1970, après avoir quitté l’université du Texas (professeur associé à l’université du Texas, à Austin – département cinéma), il quitte définitivement les Etats-Unis et partage son temps entre la France, dans le petit village basque de Mauléon, et l’Angleterre, à Dinden, dans le Somerset, où il passera le reste de sa vie avec sa femme, rencontrée à Paris, et ses quatre enfants. Auteur de sept romans, L’Eté de Katya date de 1983. Il a également écrit des nouvelles sous divers pseudonymes.
Jean-Marc Montjean, aujourd’hui homme mûr, se souvient de l’été 1914 ; jeune médecin il était de retour au Pays Basque dont il est originaire, à Salies petite station thermale, comme assistant du Dr Gros. Appelé pour soigner Paul Trouville, il tombe amoureux quasi immédiatement de sa sœur jumelle Katya, les deux jeunes gens et leur père arrivent de Paris et vivent dans une villa retirée à l’écart de la ville. Profitant de la moindre occasion Jean-Marc revient à la villa et fait plus ample connaissance avec Katya qui va s’avérer aussi mignonne et femme libre que mystérieuse…
Certainement, à ma connaissance, le livre le plus atypique de l’œuvre de Trevanian, car de quoi s’agit-il, si ce n’est un roman très romantique se colorant au fil du récit d’une intrigue psychologique pour ne pas dire psychanalytique.
Jean-Marc tente de se rapprocher de plus en plus de Katya, son frère fait barrage avec des menaces à peine voilées, pendant que le père, vieil érudit n’ayant plus toute sa raison, s’adonne à des études médiévales. De son côté, Jean-Marc endure le bagout caustique du Dr Gros qui le rabaisse à tout bout de champ. Et puis, et puis, lentement, très lentement, de petites choses viennent faire naître un mystère mal défini autour de cette famille. Il y a des rumeurs au village, ils seraient réfugiés ici ayant fui Paris, on parle d’un meurtre… Katya verrait un esprit rôdant dans le jardin… Le mystère va s’épaissir, un faisceau d’indices troublants prouvent que ces trois-là taisent un lourd secret mais Jean-Marc est trop amoureux pour lâcher le morceau.
J’ai beaucoup aimé ce roman, pourquoi ? Parce qu’il est très bien écrit, tout en dialogues de hautes volées particulièrement jouissifs : avec Paul ce sont des joutes oratoires où le jeune prétentieux plein de morgue et de cynisme repousse le jeune médecin, avec Katya, les échanges sont taquins, amoureux, avec cette retenue de l’époque qui font sourire le lecteur d’aujourd’hui, entre notre héros et son mentor le Dr Gros, ce sont les vacheries goguenardes et moqueuses à la pelle qu’il doit encaisser, et avec le père, des discussion sans queue ni tête où le vieil homme ne voit que le sujet de son étude et rien de ce qui se trame autour de lui.
Comme toujours chez Trevanian, l’intrigue est enrichie de séquences et détails très pointus, ici les réflexions pertinentes et instructives du père sur la vie à l’époque médiévale, puis sur les traditions ancestrales du Pays Basque.
Je mentirais si je vous disais que la fin du roman m’a surpris, grosso modo, et c’est là qu’entre en scène l’angle psychanalytique évoqué plus haut, j’en avais deviné la « surprise » ; seul réel reproche, je l’ai trouvé un peu long.
Un bon roman, un de plus pour Trevanian.
« Et encore aujourd’hui, au moment où je fais revivre cette scène sous ma plume bien des années plus tard, mon cœur s’attendrit devant le jeune homme paumé que je décris assis là. Je ne souffre plus, mais j’ai gardé de cette douleur un souvenir… vivace. Ma raison me dit que ce que je vais maintenant rapporter n’a pas pu se dérouler comme je m’en souviens. Je ne peux recréer les évènements et les sensations objectivement. Je ne peux décrire ce dont je me rappelle que dans les limites de mes capacités, acceptant que la mémoire ne retienne qu’une version distordue des expériences traumatisantes. »
Trevanian L’Eté de Katya Gallmeister - 261 pages -
Traduit de l’américain par Emmanuèle de Lesseps
07:00 Publié dans Etrangers, ROMANS | Tags : trevanian | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |