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Paul Bowles à Paris
Paul Bowles (1910-1999) est un compositeur, écrivain, et voyageur américain. Il passa la majeure partie de sa vie au Maroc. De son nom complet Paul Frederic Bowles, il naquit le 30 décembre 1910 dans le Queens à New York. Très jeune sa mère lui fit lecture d'œuvres d'Edgar Allan Poe et il apprit la musique dès sept ans. Par la suite, il étudia à l'université de Virginie. En 1929, il abandonna ses études pour faire son premier voyage à Paris. En 1931, lors d'un autre séjour en France, il s'agrégea au cercle littéraire et artistique de Gertrude Stein et, sur son conseil, se rendit pour la première fois à Tanger en compagnie de son ami et professeur de musique, le compositeur Aaron Copland. Il retourna en Afrique du Nord dès l'année suivante, voyageant dans d'autres régions du Maroc, du Sahara et de l'Algérie.
Paul Bowles est indissociable du Maroc, en 1947 il partit s'établir définitivement à Tanger, où Jane Auer – épousée en 1938 leur vraie vie commune ne dura que quelques mois, chacun étant davantage porté vers des personnes de son propre sexe mais un attachement profond les liera jusqu’à la mort de celle-ci - vint le rejoindre en 1949. Le couple devint rapidement incontournable dans le milieu des Européens et Américains établis dans la ville. Ils y reçurent la visite de figures littéraires éminentes, parmi lesquelles Truman Capote, Tennessee Williams et Gore Vidal qui furent suivis, au cours des années 1950, par les auteurs de la Beat Generation, Allen Ginsberg et William S. Burroughs.
À partir de son installation au Maroc, Bowles se consacra à l'écriture de romans, de nouvelles et de récits de voyages. Son œuvre n’est pas importante en quantité, 4 ou 5 romans dont le fameux Un thé au Sahara (1949) l’histoire finissant mal, de trois américains qui voyagent sans but dans le désert nord-africain et cherchent là un remède à leurs maux existentiels. Pour la petite histoire le bouquin sera adapté au cinéma en 1990 par Bernardo Bertolucci, film dans lequel la narration fut confiée à Paul Bowles lui-même.
Après la mort de Jane Bowles en 1973 à Malaga (Espagne), Bowles continua de vivre à Tanger, écrivant et recevant ses visiteurs dans son modeste appartement. Paul Bowles mourut d'un arrêt cardiaque à l'hôpital italien de Tanger le 18 novembre 1999, à l'âge de 88 ans. Le lendemain, le New York Times publia une nécrologie occupant une page entière. Bien qu'ayant résidé au Maroc pendant 52 ans, Bowles fut inhumé à Lakemont (New York) à proximité de ses parents et grands-parents.
Si l’écrivain consacra sa vie à l’Afrique du Nord, ses premières amours furent pour Paris comme il l’écrit dans Mémoires d’un nomade : "Tous les mois, quand j'achetais le nouveau numéro [du magazine littéraire Transition], j'avais l'illusion d'être à Paris, car l'atmosphère de la ville, telle qu'elle apparaissait à la lecture de ces pages, correspondait tout à fait à l'image que je m'en faisais : celle d'une métropole où les gens sont à la fois désespérés et sophistiqués, cyniques et fanatiquement passionnés par les idées. Paris était l'épicentre de l'existence ; je sentais son rayonnement quand je me tournais vers l'Est, comme un musulman reçoit la lumière de La Mecque, et je savais qu'un jour, avec un peu de chance, j'irais là-bas pour visiter les lieux sacrés." Sa première satisfaction littéraire sera d’ailleurs de voir publier deux de ses textes d’inspiration surréaliste en 1928 par la revue Transition éditée entre 1927 et 1938.
Le 27 avril 1929, sans prévenir sa famille, il part pour l’Europe. Il arrive à Paris, où il devient standardiste au New York Herald puis travaille dans une banque de la place Vendôme. Il vit quelque temps à l’hôtel Daunou, au-dessus du Harry’s bar, au 5 rue Daunou. Ses amis français le font aussi voyager à travers toute la France avant qu’il ne retourne à New York le 24 juillet 1929.
Lorsque il revient à Paris le 10 avril 1931, un de ses premiers gestes est de se présenter 27 rue de Fleurus, chez Gertrude Stein qui l’appelait « Freddie ». Une plaque près de la porte d’entrée signale qu’habita ici entre 1903 et 1938 la poétesse, écrivain, dramaturge et féministe américaine qui passa la majeure partie de sa vie en France et fut un catalyseur dans le développement de la littérature et de l'art moderne. Par sa collection personnelle et par ses livres, elle contribua à la diffusion du cubisme et plus particulièrement de l'œuvre de Picasso, de Matisse et de Cézanne. Celle-ci, ainsi que Aaron Copland, parraine son entrée en musique et en littérature. Paul Bowles fait alors connaissance avec Ezra Pound et Jean Cocteau. C’est Gertrude Stein qui, ayant déjà vécu trois étés à Tanger, lui conseille d’aller y passer ses vacances, ce qu’il fait entre août et novembre 1931, conquis pour toujours.
Pour l’heure, il emménage en 1931 dans un studio, au dernier étage du 17 quai Voltaire donnant sur la Seine, qu’il partage avec son ami Harry Dunham et compose des sonates. Il est un compositeur reconnu avant d’être un écrivain connu. L’année suivante il déménagera vers l’avenue de la Bourdonnais puis à Montmartre.
Ordre d’apparence : rue Daunou – rue de Fleurus – quai Voltaire
Sources: Wikipedia - The Authorized Paul Bowles Web Site – Photos: Le Bouquineur
02/03/2014 | Lien permanent
F. Scott Fitzgerald : Le Réconciliateur
F. Scott Fitzgerald, de son nom complet Francis Scott Key Fitzgerald, né en 1896 à Saint Paul (Minnesota) et mort en 1940 à Hollywood, est un écrivain américain. Marié en 1920 avec Zelda Sayre, une jeune fille du Sud qui sera son égérie, ils ont une fille, Frances Scott Fitzgerald. Chef de file de la « Génération perdue », selon le mot de Gertrude Stein, aux côtés d’Hemingway, Faulkner ou Dos Passos, il laisse une œuvre de cinq romans, citons Gatsby le Magnifique (1925) ou Le Dernier Nabab (1941) et de nombreuses nouvelles.
Le Réconciliateur, ouvrage tout juste paru en poche, reprend deux nouvelles (Le Réconciliateur suivi de Gretchen au bois dormant) parues en 1926 dans le recueil Tous les jeunes gens tristes.
Deux textes très courts abordant le même sujet, les couples au bord de l’éclatement. Ce sont donc les différents classiques entre épouse et mari qui sont mis en scène : conception de la vie devant marier vie rêvée et vie réelle, l’éloignement progressif des deux partenaires se traduisant par des agacements quotidiens l’un vis-à-vis de l’autre (la manie de se passer la main sur le visage pour l’époux, ou bien la façon dont elle allume sa cigarette…) toutes ces petites choses qui montent en mayonnaise et qui finissent par n’être plus digérées. A moins que ce ne soit le trop banal mari qui travaille plus que de raison (pour offrir une meilleure vie à sa femme, ceci dit !) et délaisse sa chère et tendre au risque de la voir s’amuser ailleurs…
La seule différence notable entre ces deux nouvelles, c’est que s’il y a happy end à chaque fois, la seconde se termine sur une notre humoristique peut-être un peu exagérée qui annule le fond dramatique.
Un petit bouquin avec de petites histoires bien sympathiques et intemporelles, sans être renversantes, mais ça se lit avec beaucoup de plaisir.
« - Même mon enfant m’ennuie. Ca te paraîtra monstrueux, Ede, mais c’est vrai. Il ne comble strictement rien dans ma vie. Je l’aime de tout mon cœur, mais quand je dois m’occuper de lui tout un après-midi, je deviens nerveuse à hurler. Après deux heures, je commence à prier pour que la nurse ne tarde pas à pousser la porte. Sa confession achevée, Luella, le souffle haletant, regarda attentivement son amie. En réalité, elle ne se sentait nullement monstrueuse. Telle était la vérité. Comment la vérité aurait-elle pu être contre nature ? C’est peut-être parce que tu n’aimes pas Charles, hasarda Mrs Karr, impassible. – Mais si, je l’aime ! J’espère que je ne t’ai pas donné cette impression, avec tout mon bavardage. » [Le Réconciliateur]
F. Scott Fitzgerald Le Réconciliateur Folio – 88 pages –
Traduit de l’américain par Philippe Jaworski
12/05/2017 | Lien permanent
Jeanette Winterson : Frankissstein
Jeanette Winterson, née le 27 août 1959 à Manchester, est une romancière britannique et Frankissstein Une histoire d’amour, son nouveau roman, vient de paraître.
En 1816, Mary Shelley (1788-1851) est mise au défi d’écrire une histoire de fantôme par son époux, le poète Percy Shelley (1792-1822) et son ami Lord Byron (1788-1824). Un défi relevé de main de maitre puisque la jeune femme inventera le docteur Frankenstein et sa créature. De nos jours en Grande-Bretagne, Ry Shelley, médecin transgenre, fournit des membres humains à Victor Stein son amant, un pionnier dans la recherche sur l’intelligence artificielle (IA) menant un projet aussi fou que secret. De son côté, Ron Lord, fabrique des robots sexuels pour répondre à toutes les pulsions masculines.
Le vrai bon roman du moment ! Enfin !
La narration fait courir en parallèle, deux époques, deux personnages aux idées folles, deux idées qui n’en font qu’une, faire revivre les morts, prolonger la vie et voyons plus loin encore, supprimons le corps pour n’en conserver que l’essentiel, le cerveau. Waouh !
Jeanette Winterson fait très fort avec cet extraordinaire bouquin, autant par le style que par le fond. Les chapitres alternent les époques, nous revivons la vie de Mary Shelley, leurs voyages avec son époux en Italie, leur amour intense, les décès de leurs enfants, la conception de son fameux Frankenstein, le lecteur se sent petite souris surprenant leurs conversations, partageant leur intimité, écoutant avec intérêt leurs échanges d’idées. Cette partie du livre était déjà très bien à elle seule, les autres chapitres se déroulant de nos jours sont eux, renversants.
L’angle narratif mêle l’humour (Ron Lord est un type très basique, un peu lourdingue mais non sans un certain bon sens populaire parfois), l’amour (les Shelley) ou une certaine conception de l’amour entre Ry, le transgenre (femme devenant homme) et Victor le savant fou ou visionnaire (?), la culture, car les références sont multiples (littéraires, scientifiques etc.), les réflexions politiques (piques anti-Brexit) ou sociales (« Quel est l’intérêt du progrès s’il ne bénéficie qu’à quelques-uns pendant que tous les autres souffrent ? »).
Quant aux (nombreux) thèmes traités dans ce livre, ils touchent aux fondamentaux de l’être humain, soulevant des questions qui laissent le lecteur bouche bée, comme par exemple : et si demain l’Homme s’exonérait du biologique, par transfert (téléchargement) du contenu de son cerveau dans une machine, donnant à celle-ci une conscience ?
Fascinant, excitant, inquiétant et faisant réfléchir. Je ne sais pas quoi dire de plus pour vous pousser à lire ce roman magistral que j’ai adoré.
« Il y a un problème, Ron, et la solution à ce problème n’est pas réconfortante. D’un point de vue médical et légal, la mort survient suite à une défaillance cardiaque. Votre cœur s’arrête. Vous rendez votre dernier soupir. Mais votre cerveau, lui, fonctionnera encore pendant environ cinq minutes. Ou dix, ou quinze dans les cas extrêmes. Le cerveau meurt parce qu’il est privé d’oxygène. Il s’agit de tissus vivants comme le reste du corps. Il est donc possible que notre cerveau sache que nous sommes morts avant de mourir à son tour. Vous vous foutez de moi. Je ne me fous pas de vous, Ron. »
Jeanette Winterson Frankissstein Une histoire d’amour Buchet-Chastel - 344 pages -
Traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Céline Leroy
06/12/2021 | Lien permanent | Commentaires (2)
Ernest Hemingway : Le Vieil homme et la mer
Ernest Miller Hemingway (1899-1961) est un écrivain, journaliste et correspondant de guerre américain. Il a écrit la plupart de ses œuvres entre le milieu des années 1920 et le milieu des années 1950, et sa carrière a culminé en 1954 lorsqu'il a remporté le prix Nobel de littérature, attribué « pour le style puissant et nouveau par lequel il maîtrise l'art de la narration moderne, comme vient de le prouver Le Vieil Homme et la Mer ». Hemingway est l'un des représentants les plus typiques de ce que l'on a appelé, aux États-Unis, la « génération perdue » dont les principaux écrivains de cette génération sont, outre Hemingway, Ezra Pound, T.S. Eliot et Gertrude Stein. Son roman, Le Vieil homme et la mer, est paru en 1952 et lui vaudra aussi le prix Pulitzer.
A Cuba, non loin de La Havane, Santiago est un vieux pêcheur, veuf et pauvre, qui n’a rien ramené dans ses filets depuis quatre-vingt-quatre jours. Un gamin qui l’appelle grand-père, l’accompagnait dans ses sorties en mer jusqu’à aujourd’hui, jusqu’à ce que ses parents le place chez un autre pêcheur jugé plus capable et lui permettant de rapporter quelques poissons au logis familial.
Le gosse est désolé, « C’est papa qui m’a fait partir. Je suis pas assez grand. Faut que j’obéisse, tu comprends », car il a beaucoup d’affection pour le vieil homme qui lui apprend la pêche.
Quand Santiago part à nouveau en mer, il se sent seul et vieux, et cette partie de pêche il le devine sera son grand coup ou bien sa fin. Un énorme espadon se prend à sa ligne, « Certains pesaient jusqu’à cinq cents kilos. (…) et le voilà accroché à la plus grosse pièce qu’il ait jamais trouvée. » Ragaillardi par cet heureux coup du sort, Santiago imagine le bénéfice qu’il va tirer de cette prise et la consolation morale de se savoir toujours le bon pêcheur que tous reconnaitront.
S’engage alors un combat héroïque, une de ces histoires de pêche au gros grandiose, comme on aime les conter dans les tavernes de tous les ports du monde. L’homme seul, arc-bouté au fond de son canot, tenant ses lignes, et le poisson gigantesque qui entraîne le tout vers le large. On ne peut s’éviter de penser au Moby Dick d’Herman Melville bien évidemment. Le vieux va en baver, car l’espadon va résister plusieurs jours, mais épuisé par ses efforts et attiré vers le bateau par le pêcheur, le poisson sera harponné et tué.
Le vieil homme semble récompensé de son acharnement et l’on espère que l’aventure est terminée pour lui, mais la vie n’est pas un long fleuve tranquille. « Une heure plus tard, le premier requin attaqua. » Dès lors, une course poursuite va s’engager entre l’homme riche de son gros butin filant vers la terre et les pillards à ailerons toutes dents dehors. « Le vieux compris que tout était fini. »
Si le bouquin venait de paraître, je tairais la fin, mais ce classique de la littérature est connu de tous et a fait l’objet d’un très beau film réalisé en 1958 par John Sturges avec Spencer Tracy dans le rôle du pêcheur.
J’ai dit classique et c’est vrai qu’il s’agit d’un livre immense. Plutôt mince en pagination, mais tellement riche en symboles et paraboles, la victoire dans la défaite, un thème cher à Hemingway. Si Santiago échoue complètement dans sa pêche, ne rapportant au port que la tête et l’arrête dorsale de l’espadon, ne pouvant donc rien en vendre sur le marché, en tant qu’homme il sort vainqueur de cette épreuve, par son colossal effort face à l’adversité, « Un homme, ça peut être détruit, mais pas vaincu. » Ne jamais s’avouer défait, la grande leçon de ce livre.
Il faudrait aussi s’attarder sur le style, des mots simples au service de thèmes grandioses comme la dignité, le respect, la nature toute puissante etc. Cette excellente idée de l’écrivain, faire soliloquer le pêcheur seul en mer pour rendre plus vivant le récit dans ce genre de huis-clos au milieu de l’océan. Suivre l’évolution des pensées du vieil homme, d’abord il capture un poisson qui n’est sensé qu’être un revenu pour lui et de quoi nourrir de nombreux pauvres gens, avant de témoigner d’un grand respect pour cette bête et son combat qui la met à égalité avec l’homme, au point d’en conclure « Y a personne qui mérite de le manger, digne et courageux comme il est, ce poisson-là. »
Jacques-Fernand Cahen dans La Littérature américaine, résume ainsi le roman, « cette fable si savamment composée, si parfaitement écrite, si riche en profonds symboles et d’une si passionnante lecture qu’elle enthousiasme aussi bien les enfants que les esprits les plus blasés. »
On ne saurait mieux dire et si vous ne deviez emporter qu’un seul livre sur une île déserte, c’est bien celui-là !
« Un ouragan, cela se flaire de loin. Si l’on est en mer, on peut observer les signes dans le ciel plusieurs jours à l’avance. « Les gens de la terre ne comprennent rien au ciel, pensait le vieux ; ils le regardent pas comme il faut. Sans compter que les nuages ça n’a pas la même forme vus de la terre ferme. En tout cas, y a pas d’ouragan en route pour le quart d’heure. »
Ernest Hemingway Le Vieil homme et la mer Folio
13/11/2012 | Lien permanent
Ernest Hemingway : Paris est une fête
Ernest Miller Hemingway (1899-1961) est un écrivain, journaliste et correspondant de guerre américain. Le dossier médical d’Ernest Hemingway, rendu accessible en 1991, montra qu'il souffrait d'hémochromatose (diagnostiquée en 1961), une maladie génétique qui provoque de sévères dommages physiques et mentaux. Cette maladie pourrait expliquer son propre suicide et ceux, nombreux, dans la famille Hemingway (son père, son frère, sa sœur et sa petite-fille Margaux Hemingway). Il a écrit la plupart de ses œuvres entre le milieu des années 1920 et le milieu des années 1950, et sa carrière a culminé en 1954 lorsqu'il a remporté le prix Nobel de littérature. L’écrivain a publié sept romans, six recueils de nouvelles et deux œuvres non romanesques de son vivant. Trois romans, quatre recueils de nouvelles et trois œuvres non romanesques ont été publiés à titre posthume. Plusieurs de ses œuvres sont considérées comme des classiques de la littérature américaine.
Paris est une fête, écrit entre 1957 et 1960, a été publié de manière posthume en 1964 aux Etats-Unis. En 2011, une édition revue et augmentée de huit textes courts est parue. C’est de celle-ci dont il est question ici. Après les attentats meurtriers de la fin 2015 à Paris, par un curieux effet collatéral, le bouquin a connu un succès phénoménal le propulsant dans les meilleures ventes mais j’ai préféré attendre que cet engouement se tarisse avant de m’y intéresser.
Récit autobiographique, Paris est une fête, replonge Hemingway dans le Paris des années 20, plus précisément 1921-1926, époque où il n’était encore qu’un jeune écrivain en devenir, sans le sou, journaliste pour gagner sa maigre pitance. Cinq années où il file le parfait amour avec la première de ses quatre épouses, Hadley Richardson et leur jeune fils « Bumby ». Le couple n’est pas bien riche mais le texte est loin d’être pleurnichard, au contraire même, il respire la joie de vivre dans une ville offrant mille possibilités de petits bonheurs, boire des verres de vin dans ses cafés et bistrots, bien manger pour pas cher dans les brasseries - « Nous étalions du pâté sur le bon pain du bistrot et buvions le vin blanc » - ou encore écrire sur une table de troquet : du Quartier Latin à Montparnasse, du Café de Flore au Dôme, nous suivons Hemingway pas à pas dans la ville lumière.
Occasion aussi d’y rencontrer Gertrude Stein qui gère à la baguette, la destinée artistique du petit monde des bohèmes américains de Paris, Sylvia Beach ou bien Ezra Pound, pour ne citer que les plus connus. Sans oublier ces incroyables chapitres sur Francis Scott Fitzgerald, avec lequel il se retrouve embringué dans un rocambolesque voyage vers Lyon dans une voiture sans toit ! Outre les détails un peu people, comme on dit aujourd’hui, mais qui éclairent le monde artistique de cette époque, Hemingway s’épanche sur le travail de l’écrivain et la manière dont lui fonctionne, livrant ses petits « secrets » de son alors courte expérience, révélant qu’il ne se sent pas encore prêt à écrire un roman, « …je savais aussi que je devais écrire un roman. Je ne m’y mettrais que plus tard, cependant, au moment où je ne pourrais plus reculer. »
Mais ce texte est aussi pour l’écrivain, un moyen peut-être, de se libérer définitivement d’une décision difficile alors : après avoir mis par écrit les années de bonheur passées à Paris avec Hadley, son récit s’achève sur ce qui s’annonce comme leur rupture.
Sur mon édition, empruntée à la bibliothèque, un lecteur antérieur a inscrit « Inégal, dommage ! » Certes, mais comment pourrait-il en être autrement d’un texte posthume, donc non finalisé par l’auteur, auquel ont été rajoutés en fin de livre, des fragments et des vignettes disparates ? Il n’empêche, le bouquin est très agréable à lire, très frais, comme un verre de vin blanc bu en terrasse lors d’une soirée de printemps…
« A l’heure actuelle, ceux qui cherchent à expliquer la création littéraire sont plus nombreux que les bons écrivains. Il vous faut beaucoup de chance en plus de tout le reste, et la chance n’est pas toujours au rendez-vous. C’est regrettable, mais il n’y a pas lieu de s’en plaindre, pas plus qu’il n’y a lieu de se plaindre, si vous n’êtes pas d’accord avec eux, des critiques qui tentent de vous expliquer ce que vous faites et pourquoi vous le faites comme ci ou comme ça. Laissez-les donc à leurs explications, même s’il n’en reste pas moins difficile de réconcilier le néant qui est le vôtre et cette partie de vos lecteurs dans laquelle vous vivez et perdurez. Certains vous souhaitent bonne chance, d’autres pas. Un bon écrit ne se laisse pas facilement détruire, mieux vaut malgré tout éviter les plaisanteries. »
Ernest Hemingway Paris est une fête Gallimard – 299 pages –
Edition revue et augmentée. Edité et introduit par Sean Hemingway, avant-propos de Patrick Hemingway. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Marc Saporta et pour l’avant-propos, l’introduction et les inédits, par Claude Demanuelli.
14/03/2017 | Lien permanent
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