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28/04/2017

Tanizaki : La Clef

tanizakiJunichirô Tanizaki (1886-1965) est un écrivain japonais. Etudiant à l'université de Tokyo, il publie en 1910 Le Tatouage, une nouvelle qui lui apporte une célébrité immédiate. Il s'engage alors dans la voie littéraire, publiant de nombreux récits qui s'inspirent souvent d'un Occident et d'une Chine exotiques – jusqu'au grand séisme qui secouera Tokyo en 1923. Tanizaki quitte alors la capitale pour la région de Kyoto et Osaka et, après avoir publié Un amour insensé (1924) qui signe la fin de cette première période, il opte pour un retour aux sources japonaises. L’écrivain laisse une œuvre unanimement considérée comme l'une des plus importantes du XXe siècle japonais.

Un professeur d’université proche de la soixantaine, ne parvient plus à satisfaire sexuellement sa femme Ikuko, plus jeune d’une dizaine d’années, (« … pour des raisons physiologiques, je ne suis pas excessivement porté sur la chose, et je ne peux rivaliser avec elle en ce domaine ») jusqu’à ce qu’il constate que la jalousie est un puissant stimulant (« … plus ma jalousie croît, plus j’obtiens de plaisir, et mieux j’atteins l’objectif final. Ma femme le souhaite, je le souhaite aussi, sans que nous nous assignions de limite »). Elle et lui, tiennent alors un journal intime, en théorie secret, tout en sachant très bien que l’autre le lira en cachette.

Quand le roman parait en 1956, on imagine très bien le tollé qu’il déclencha. Et si aujourd’hui plus rien ne nous choque, le livre conserve néanmoins une part de perversité indéniable qui en fait tout le sel. Un éditeur de bas étage pourrait vous vendre le bouquin en arguant qu’on y trouve du fétichisme, du masochisme, des photos Polaroïd érotiques, un amant plus jeune, une mort peut-être pas aussi naturelle que l’on dit, bref du sexe en veux-tu en voilà. Ce serait sous-estimer la qualité littéraire de cet ouvrage, vous vous en doutez.

Certes, tout ce que j’ai cité précédemment est dans le roman mais en plus subtile. Le roman alterne le contenu des deux journaux, celui de l’époux et celui de sa femme (« Ce que je serais trop honteuse de lui dire en face, je peux ainsi le lui transmettre »), les deux voix donnant leur version des faits et des situations. Mais même ce qu’écrivent les deux protagonistes doit être pris avec des pincettes car chacun écrit pour être lu par son partenaire, donc pour attiser les fantasmes de l’autre et non pour dire la stricte vérité, comme elle se révèlera en fin d’ouvrage (et encore… ?). Outre le couple, il y a Kimura, ami de la famille et éventuel futur époux de leur fille de vingt ans Toshiko. Kimura, amant d’Ikuko mais aussi complice des manœuvres du mari et cette Toshiko qu’on pense éloignée de l’intrigue mais qui… Diable, mais en plus du sexe il y a donc du suspense, oui et même un cadavre !

Le roman se dévore, tant le lecteur est fasciné par la situation et surtout par l’angle psychologique retors dans lequel évolue les acteurs : les liens mari/femme, mère/fille ou plus complexe encore Kimura/mari, épouse, fille sont un régal de machiavélisme. Quand souvent le roman japonais s’installe dans le temps, le passé du monde d’hier ou la modernité excessive d’aujourd’hui ou demain, celui-ci séduit par son intemporalité.   

 

« Parfois, dans mon sommeil, j’ai la vague impression que quelqu’un me dénude. Je pensais jusqu’à présent que c’était encore un fantasme de ma part, mais si ces photos sont vraiment de moi, elles prouvent que c’est vrai. Mais alors que je ne l’accepterai jamais en étant réveillée, si les photos sont prises sans que je le sache, il me semble que je peux l’admettre. Puisque mon mari aime me voir nue, mon devoir d’épouse fidèle est de supporter au moins d’être dévêtue sans le savoir, et bien que ce soit de très mauvais goût. A l’époque féodale, la vertu d’une femme voulant qu’elle se soumette absolument à son mari, elle se serait pliée à tous ses désirs, aussi infâmes ou répugnants qu’ils soient, et n’aurait d’ailleurs pu faire autrement. A plus forte raison dois-je l’accepter de mon mari qui, sans les stimulations que lui procurent ces jeux insensés, est incapable d’accomplir l’acte de façon satisfaisante pour moi. Je ne fais pas que remplir mon devoir. »

 

 

tanizakiTanizaki   La Clef  Gallimard  La Pléiade Œuvres Tome 2  -  101 pages –

Traduction par Anne Bayard-Sakai

 

 

 

 

Ce roman a fait l’objet de plusieurs adaptations au cinéma, celle de Tinto Brass en 1983 et sous le même titre, n’avait pas manqué de faire parler d’elle en raison d’une scène assez hot avec Stefania Sandrelli…

07:48 Publié dans Etrangers | Tags : tanizaki | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook |

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