21/10/2019
T.C. Boyle : Talk Talk
T.C. Boyle (Tom Coraghessan Boyle) est un écrivain et romancier américain né en 1948 à Peekskill dans l’Etat de New York. Depuis 1978, il anime des ateliers d’écriture à l’Université de Californie du Sud et vit près de Santa Barbara, dans une maison dessinée par l’architecte Frank Lloyd Wright. Il est l’auteur de plusieurs recueils de nouvelles ainsi que de nombreux romans comme Talk Talk qui date de 2006.
Dana, jeune femme sourde, donne des cours de littérature dans un établissement destiné aux malentendants. Un banal contrôle routier va faire basculer sa vie dans le cauchemar quand son nom renvoie à une liste de délits variés, « émission de chèques sans provision, attaque à main armée – et ainsi de suite. » Incarcérée durant plusieurs jours, à sa libération elle est virée de son boulot et confrontée à de multiple créanciers. Avec l’aide de son ami Bridge, elle se lance dans une folle aventure, retrouver celui qui a usurpé son identité…
Le scénario va nous entrainer à travers les Etats-Unis, de la côte Ouest à New York, dans ce qui peut s’apparenter à un gentil thriller ou road-movie montant en intensité, car après Dana, c’est au tour de Bridge d’être directement attaqué par l’usurpateur quand il réalise qu’ils sont à ses trousses. La pression change de camp, l’escroc qui se la coulait douce en utilisant de multiples identités et cartes de crédits, cachant ses turpides à la femme qui partage sa vie, va devoir s’activer pour échapper aux uns tout en faisant croire à sa compagne que tout baigne.
L’aspect angoissant du roman, c’est si j’ose dire, la banalité de l’escroquerie dont est victime Dana car le lecteur réalise que ça pourrait lui arriver très/trop facilement aussi ! Et la victime se retrouve prise dans un engrenage diabolique, un cauchemar quasi kafkaïen, face aux autorités et administrations, car il devient très difficile de prouver sa bonne foi. Humiliation, folle dépense d’énergie, comptes bancaires vidés, impossibilité de compter sur la police qui a d’autres chats à fouetter, Dana et Bridger vont en baver des ronds de chapeau et quand la poursuite aboutira à la rencontre physique entre chacun des acteurs…
T.C. Boyle traite ici du problème de l’usurpation d’identité via la face noire de l’informatique et d’Internet, une escroquerie qui semble assez courante dans son pays tout en abordant en parallèle, la situation des malentendants qu’il a bien étudiée et qu’il nous ressert avec précision et légèreté. A noter qu’il est aussi beaucoup question de nourriture, « pour lui, le repas, c’était sacré, parce que si on ne s’asseyait pas pour dîner tranquillement, on n’était pas un être civilisé ». On sait l’écrivain bavard, d’où ces cinq cents pages qui méritaient d’être dégraissées, mais le rythme est bon, sans relâche et Boyle sait raconter ses histoires. Dommage que l’épilogue soit si faible et laisse le lecteur sur sa faim, un comble au vu de la phrase précédente !
« Elle s’assit avec les autres, jambes maintenues dans les fers, et ne leva même pas la tête pour scruter l’assistance et vérifier s’il était là. Il fut immobilisé sur place par la colère, l’horreur. Il eut du mal à s’empêcher de hurler et ne comprit que trop la façon insidieuse dont le système fonctionnait, malgré le bois verni et le grain de l’histoire : passe le week-end en taule, innocent ou pas, et tu es condamné au look prison – compromission et culpabilité. Tu es sale, abattu et si tu n’es pas coupable des forfaits qui te sont reprochés, tu es coupable tout de même, d’être accusé, d’être apathique, désespéré, crasseux, aliéné. Il se promit de ne jamais oublier cette leçon, jamais. »
T.C. Boyle Talk Talk Le Livre de Poche – 506 pages –
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Bernard Turle
07:00 Publié dans Etrangers | Tags : t.c. boyle | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
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