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20/02/2025

John Herdman : Imelda

John HerdmanJohn Macmillan Herdman, né en 1941, est un romancier écossais, nouvelliste, dramaturge et critique littéraire. Diplômé de l'Université de Cambridge (1963) où il a effectué ses études supérieures, il a été très impliqué dans la question du nationalisme écossais, tant sur le plan politique que littéraire. Il est l'auteur de dix-sept livres dont cinq romans et diverses œuvres de fiction plus courtes, une pièce de théâtre, deux études critiques et un mémoire, et il a contribué à vingt autres livres. Roman paru chez nous en 2006, Imelda vient d’être réédité (2023).

En Ecosse, durant une longue période entre les années 50 et 60 pour l’essentiel des évènements. Suite au décès des parents d’Imelda encore enfant, son oncle célibataire, Sir Robert Affleck désormais son tuteur, s’installe chez sa sœur dans la famille Agnew. Très vite la gamine devient une source de rivalité entre les deux fils, Franck et Hubert Agnew, rivalité qui durera toute leur vie et finira dramatiquement…

Un roman très facile à lire, fort bien écrit dans un style classique à l’ancienne et avec un bon rythme. Cette facilité d’approche ne cache pas néanmoins la complexité du thème abordé et en fait un très bon roman. Le lecteur lambda déjà troublé et satisfait par sa lecture sera propulsé vers des profondeurs abyssales autant que fascinantes quand il va s’attaquer à la postface ouvrant d’autres pistes à la compréhension complète de l’ouvrage. « La vérité est ailleurs ! » disaient Scully et Mulder (X Files).

Reprenons le fil de l’histoire à son début. Très longtemps après les drames, une femme se déclarant fille d’Imelda écrit au dernier survivant de la famille Agnew pour obtenir des détails sur la mère qu’elle n’a jamais connue. L’homme lui répond, en lui faisant suivre deux Mémoires, l’un rédigé par Franck, aujourd’hui interné dans un asile (schizophrénie paranoïaque), l’autre, par Robert Affleck en fin de vie. Toute la finesse et l’astuce du roman tiennent dans cet échange épistolaire, où deux versions très différentes des mêmes faits, l’arrivée d’Imelda chez les Agnew, la rivalité des frères et les drames, placent le lecteur dans une situation très désagréable : qui dit la vérité ? Qui ment ?

Dans le récit de Franck, son frère est un rustre qu’il surnomme le Yéti, atteint de troubles gastriques il pète et rote comme un damné, tandis que lui est plus intelligent, plus beau. Ca sent la prétention. Toujours à l’en croire, Imelda aurait immédiatement été sensible à ses charmes et si plus âgés, la famille et l’oncle surtout, ont favorisé une union entre elle et Hubert, la mignonne n’aurait accepté que par pure bonté d’âme pour celui qui l’avait éduquée, son cœur restant à Franck qui enrage. Le cœur et le reste puisqu’elle sera enceinte peu de temps avant son mariage. J’accélère le mouvement : décès d’Hubert avant l’union, scandale de la grossesse, Imelda est expédiée dans une famille loin d’ici où elle abandonnera sa fille à la naissance et disparaitra à jamais, folie de Franck !

Le récit de Sir Robert Affleck reprend les mêmes situations mais dans une version bien différente. Dans le premier texte on sentait l’élan amoureux de la jeunesse, les émois et la dramatisation des faits. Ici, le ton est mesuré, la pondération de l’adulte mûr. Tout est inversé, Hubert était un brave garçon, travailleur et viril, alors que Franck était une grosse feignasse à tendances homosexuelles…

Dualité, notion de double, le lecteur reste dans l’expectative permanente. Hubert serait décédé d’un ulcère, mais Franck s’intéressait de près aux champignons vénéneux et haïssait son frère, retardant même l’arrivée des secours, y-a-t-il eut crime ? Imelda enceinte, mais de qui ? Franck prétend que c’est de lui mais d’autres possibilités sont évoquées. A quel jeu joue exactement Imelda, câline avec Franck en secret mais acceptant tout du projet d’union avec Hubert et disparaissant d’un coup, laissant Franck en plan.

Le roman multiplie les interrogations, noyant la vérité sous hypothèses et possibilités. Le lecteur n’est pas au bout de ses peines puisque la lecture de la postface, loin de l’éclairer, multiplie les fausses-pistes qui auraient pu lui échapper !

Pour résumer, folie et santé mentale (Franck), rivalité entre frères exacerbée par l’arrivée d’un personnage féminin entre eux, honneur familial face à la pression sociale (Imelda enceinte et non mariée) le tout au sein d’un plan narratif qui allie manipulation et mensonges !

 

« Enfin, nous arrivâmes au pied de l’arbre qu’on disait être celui choisi par le rossignol ; Imelda posa un doigt sur ses lèvres et me regarda avec des yeux presque débordants de bonheur et d’espérance. Puis, alors que nous tendions l’oreille, osant à peine respirer, Hubert fendit soudain le calme du soir d’un pet dévastateur et méphitique. Aucun rossignol n’aurait pu raisonnablement y survivre. (…) Trois jours plus tard, ils annonçaient leurs fiançailles. »

 

 

John HerdmanJohn Herdman   Imelda   Quidam Editeur   - 200 pages - 

Traduit de l’anglais (Ecosse) et postface par Maïca Sanconie

 

 

 

 

 

« … je me retirai dans ma chambre et passai continuellement le disque du Roi des Aulnes de Goethe, mis en musique par Schubert, un chant dont la puissance lugubre et obsédante s’accordait parfaitement avec mon état d’esprit. »

Commentaires

Un roman habile, et riche d'une atmosphère vénéneuse, pour reprendre l'illustration de couverture...

Écrit par : Ingannmic | 20/02/2025

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Bien dit ! Un roman que je recommande... après l'avoir "piqué" chez toi !

Écrit par : Le Bouquineur | 20/02/2025

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