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21/06/2013

Condie Raïs : L’Ombre d’un écrivain

condie raïsCondie Raïs est née dans la seconde moitié du XXe siècle. Elle partage son temps entre ses chats siamois, l'écriture et le vin blanc australien. Elle aime les Variations Goldberg par Glenn Gould - l'enregistrement de 1981 -, ne déteste pas les Rolling Stones et supporte courageusement ses voisins. Telle est la biographie sommaire dont nous disposons concernant cet écrivain œuvrant sous pseudonyme. Elle est l'auteur d'un recueil de nouvelles C2H4O2 et d'un premier roman L'Ombre d'un écrivain, tout juste paru.

Si vous avez lu son recueil de nouvelles - et pour peu que vous lisiez à voix haute - les premières pages du roman vont résonner familièrement à vos oreilles. Rassurez-vous c’est normal car L’Ombre d’un écrivain est bâti sur deux textes qui y étaient inclus, Pars vite mais ne reviens pas trop tôt et Harcèlement. Dans le premier, Marc tente d’écrire un roman sentimental mais n’y parvient pas, sa voisine Condie Raïs va lui servir de nègre, tandis que dans le second, Isabelle, une stagiaire, se voit offrir un roman par son chef de service, un roman tellement nul qu’à son tour elle propose un livre à son patron, confrontation idéologique farfelue qui s’envenimera. Si cette longue phrase vous semble familière elle aussi, c’est encore normal, c’est un copier/coller extrait de ma chronique consacrée en son temps à C2H4O2 !

Le point commun à ces deux nouvelles, la littérature, l’art d’écrire, le monde du livre, et sur ces deux pierres habilement jointes, l’écrivain Condie Raïs construit son premier roman. On retrouve donc le ton humoristique, voire sarcastique parfois, qui fait le charme des écrits de la dame. Tout comme Condie Raïs, écrivain mais personnage du roman est une sorte de Deus ex machina, recluse dans sa tanière entre ses chats et son vin blanc, qui tire les ficelles des destinées de Marc et Isabelle, Condie Raïs l’écrivain réel, se joue de ses personnages pour se moquer du monde littéraire. Ou du moins, des acteurs d’une certaine littérature. Ces écrivains qui débitent du livre comme on vend du pain, ces épais bouquins qui sont vides de sens comme de style mais riches de marketing.

Quand Marc prend conscience de sa situation « Ce n’est pas la seule que ça agace, j’imagine. Elle méprise ce que j’écris et je gagne beaucoup d’argent avec, alors qu’elle accorde une place très importante à la littérature, elle la place au-dessus de tout », s’adresse-t-il à Isabelle devenue son coach ou à Condie Raïs son nègre ? A moins plus certainement, que la vraie Condie Raïs ne révèle ses propres sentiments. Tout le roman est une mise en abime vertigineuse, la Condie du roman étant le double de la Raïs de la vie réelle, Docteur es-lettres Condie et Miss Raïs.

Dans ces conditions, on pourrait aussi voir dans ce roman, comme un ressentiment personnel de l’écrivain envers le monde de l’édition. Connaissant très sûrement ce milieu de l’intérieur, elle en a mesuré les limites et ne voulant pas s’abaisser à en suivre les coutumes dégradantes pour l’honnêteté intellectuelle, elle a préféré opter pour l’autoédition ? Psychologie de bazar, je m’égare…

La seule critique négative que je puisse faire sur ce roman, il ne faut pas non plus être aveugle, il est fait de dialogues exclusivement et parfois ils me semblent un peu faibles, de plus cette forme d’écriture ne permet pas d’asseoir un style facilement ou de créer cette fameuse mélodie qui fait dire avec justesse à l’un des personnages « Je suivrais un écrivain n’importe où à condition que sa petite musique me plaise ». 

Revenons à l’essentiel, le roman est bon et drôle pour de multiples raisons, un certain ton où l’humour sert de vaseline aux piques lâchées de-ci de-là envers le monde littéraire, ses références amusantes (même si parfois faciles) à des écrivains connus qui deviennent sous sa plume, Christine Angrot, Angélique Nortombe etc., ses clins d’yeux discrets au cinéma, j’ai cru deviner une ou deux bribes de dialogues de films, à moins que ce soit mon imagination… De plus, en glissant les noms d’écrivains qu’elle admire tels John Fante, Charles Bukowski, Philip Roth ou d’autres, le lecteur se sent en terrain ami. C’est là l’un des points forts du roman de Condie Raïs, elle sait créer des liens de connivences avec ses lecteurs.   

 

« -Et elle m’a pris à part pour m’expliquer comment il fallait écrire. Elle m’a dit que l’important, c’était de se laisser guider par son intuition, de jouer avec les mots. Et que c’est le lecteur qui devrait faire sens avec… - Faire sens ? – Oui, oui, c’est ça, c’est bien ce qu’elle a dit. Et elle m’a conseillé de partir de mon quotidien. De me laisser aller et de penser à des petites choses, puis de procéder par association d’idées. – Des petites choses ? – Oui, comme le papier toilette par exemple. Vous voyez ? – Très bien. Je vois très bien. »

 

  

Condie Raïs  L’Ombre d’un écrivain  Autoédition et livre numérique en vente sur Amazon (format Kindle)

 

P.S. : Je tiens à remercier Condie Raïs pour m’avoir adressé gracieusement son roman.