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28/01/2015

William Giraldi : Aucun homme ni dieu

William GiraldiWilliam Giraldi, né en 1974 dans le Connecticut, enseigne à l’Université de Boston et écrit des critiques littéraires pour le New York Times Book Review. Aucun homme ni dieu, son second roman, mais le premier traduit chez nous, vient de paraître.

Russel Core, écrivain et spécialiste des loups, arrive à Keelut un bled perdu au cœur de l’Alaska pour répondre à une lettre envoyée par Medora Slone, une mère dont le jeune fils a été emporté par une meute de loups. Elle souhaite que Core retrouve les restes de son fils afin de faire son deuil et pouvoir ensuite, prévenir son mari Vernon, parti faire la guerre en Iraq.

Ainsi débute cet extraordinaire roman de William Giraldi mais vous n’avez aucune idée – quoi que vous puissiez en penser - de la manière dont il se poursuit et je vais tenter de vous en taire le plus possible pour ne pas vous en gâcher la lecture. Si ce roman ne compte que des points forts, il le doit entre autre à sa construction, prenons cette amorce dont je viens de vous parler, tout lecteur averti croit pouvoir imaginer vaguement, un développement plus ou moins proche de romans de ce type lus précédemment. Grave erreur, avec Giraldi vous irez dans des zones géographiques, narratives, psychologiques ou morales dépassant le commun, Aucun homme ni dieu vous entrainera au cœur des ténèbres.

Concernant les faits, préparez-vous à de la violence, physique car il y aura des macchabées, climatique car le froid d’Alaska est à peine concevable, morale car William Giraldi nous pousse vers des raisonnements pas toujours acceptables pour nos sociétés dites civilisées. Dans les débuts du roman, deux faits dramatiques nous sont assénés comme des gifles qu’on ne voit pas venir (un peu comme dans le Sukkwan Island de David Vann) et vous êtes faits aux pattes, jusqu’à la fin. Le roman de Nature Writing se double d’un thriller très prenant. Ajoutons une touche de fantastique, dans le sens où le chamanisme et les croyances totémiques ont une place importante ici, avec la figure emblématique du loup.

Les personnages, outre Russel Core et Medora Slone personnage central par qui tout arrive, Vernon le mari qui reviendra de la guerre dans les sables chauds (contraste génial) avec ses exactions militaires sur les civils, Cheeon son vieux copain de toujours pour le meilleur comme pour le pire et Donald Marium le shérif local. Il ne faut pas oublier de citer Keelut, un bled minuscule doté d’une âme puissante régissant la vie et les mœurs de ses quelques habitants.   

Un roman dur où l’environnement hostile réanime l’homme primitif qui se débat et s’accommode des lois de la nature mais où la morale traditionnelle ne trouvera peut-être pas son compte. « … il commençait à avoir peur de ce qu’il découvrait : que l’homme n’est chez lui ni dans la civilisation ni dans la nature – parce que nous sommes des aberrations coincées entre deux états. »

Un très bon bouquin.

 

« - Encore une fois, tu te trompes, mec. Notre avenir se termine aujourd’hui. Le corbeau vole juste derrière le loup, et le loup est venu pour toi et moi. Regarde là-bas. Il désigna un sapin ployant sous la neige, sur une branche au milieu, comme une tache d’encre avec des yeux, un corbeau. – Tu peux accuser les loups affamés de ce qui est arrivé à ta petite fille, mais tu ne peux accuser aucun être humain. – Il y a toujours un responsable parmi les hommes. Le monde, ça n’est que des hommes, et chacun d’entre eux est affamé à sa manière, bon Dieu. » 

 

 

William GiraldiWilliam Giraldi   Aucun homme ni dieu   Autrement – 309 pages –

Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Mathilde Bach