15/09/2020
Graham Greene : La Fin d’une liaison
Henry Graham Greene, né en 1904 dans le comté de Hertfordshire, en Angleterre, et mort en 1991 à Vevey, dans le canton de Vaud, en Suisse, est un écrivain et scénariste britannique. Il a écrit des romans, des nouvelles, des récits de voyages, des essais et des critiques. Après ses études, il se lança dans le journalisme. Il devint catholique en 1926 afin de se marier. La Fin d’une liaison est un roman datant de 1951 et comme presque tous ses romans, fut adapté au cinéma.
Londres en 1946. Maurice Bendrix le narrateur, écrivain encore aux portes de la renommée, croise à nouveau et par hasard le chemin de Sarah Miles, épouse d’Henry, un haut fonctionnaire que Bendrix avait fréquenté pour des raisons professionnelles. Sarah a été sa maîtresse durant presque deux ans durant la guerre, avant qu’elle ne le quitte sans qu’il sache pourquoi. Est-ce que tout peut recommencer ?
Voilà le type même du roman dont je ne sais s’il est globalement pas mal mais avec pas mal de défauts, ou bien si c’est une gentille daube avec de très intéressantes choses à l’intérieur ?
Reprenons le cours du récit. Une rencontre fortuite entre Henry et Bendrix, l’époux signalant à l’ex-amant que Sarah parait bizarre ces derniers temps, il soupçonne une liaison. Contre l’avis d’Henry, Maurice engage à son insu un détective pour en avoir le cœur net, sa jalousie en sommeil réactivée par le retour du couple dans sa vie quotidienne. Le verdict de l’enquête semble clair, Sarah se rend régulièrement à une adresse bien précise en prenant bien soin de n’être pas suivie. En réalité la vérité s’avèrera plus complexe…
Ce n’est ni un polar ni un roman à suspense donc je peux en dévoiler le mystère – d’ailleurs sinon il serait impossible d’en parler. Pour faire court, il y a la femme, le mari, l’amant et Dieu ! Ne perdons pas de vue que nous sommes chez Graham Greene et que toute ( ?) son œuvre tourne autour du catholicisme. Un sujet qui le turlupinait personnellement.
Donc il y a de bonnes choses dans ce bouquin. La fureur causée par la jalousie capable de se muer en haine. Bendrix durant toutes ces années haïra selon les périodes, le mari (obstacle à son bonheur), sa maîtresse (qui l’a largué sans explication) et souvent aussi le reste du monde. Il est aussi question de spiritualité et de mysticisme, longues interrogations et digressions sur l’existence de Dieu avec l’intervention d’un prédicateur puis d’un prêtre en fin d’ouvrage. En ce sens, le roman prête à la discussion et c’est là son bon côté.
Il y a aussi de nombreuses références à la manière dont travaille l’écrivain Bendrix et l’on peut parier que ce sont celles de Graham Greene puisqu’il n’y avait pas de raison d’inventer. Pour compléter l’angle autobiographique de ce bouquin je citerai Wikipédia : «L’auteur menait depuis 1946 une relation avec une femme mariée. Cette liaison dura jusqu’en 1966 en dépit des efforts du mari pour la briser. Henry Walston, haut fonctionnaire puis politicien travailliste, fut l’inspirateur transparent du mari de Sarah dans le roman. »
Mais il y a aussi des défauts, que je modèrerai en précisant : pour un lecteur d’aujourd’hui. Primo, c’est beaucoup trop long, « Je ne pus en lire davantage. A mainte et mainte reprise, j’avais sauté un passage… » dit, tout comme moi, Bendrix en lisant le journal intime de Sarah. Le roman n’échappe pas au côté désuet, écueil prévisible pour ce type de sujet. Si la jalousie est un sentiment éternel, la façon de la ressentir est peut-être liée à l’époque ( ?) mais elle est plus sûrement exprimée différemment selon l’évolution de la société. C’est ce qui fait la différence entre les chefs-d’œuvre qui sont intemporels et les autres romans. Ici, nous sommes dans le second cas.
Quant à l’épilogue, Henry et Maurice qui en viennent à vivre sous le même toit après que Sarah ait disparue (je vous laisse le découvrir), j’ai failli éclater de rire ! Ajoutons à cela que Bendrix ne m’a pas paru très sympathique – certes il y a la jalousie, mais pas que… Henry, lui au contraire, gagne avec le temps (mais c’est Bendrix qui raconte…) et enfin Sarah, seul personnage crédible a toute notre empathie.
« Si le mot haine n’est pas trop fort pour qu’on l’applique à un être humain, je haïssait Henry et je haïssait aussi sa femme, Sarah. Et lui, je suppose, se mit à me haïr peu de temps après les évènements de ce soir-là, de même qu’il a dû par instants haïr sa femme, et l’autre, celui en qui nous avions alors la chance de ne pas croire. Aussi, ceci est-il un récit de haine bien plus que d’amour, et s’il m’arrive de dire du bien d’Henry ou de Sarah, l’on pourra me croire : je me défends d’avance contre toute accusation de parti pris, parce que mon orgueil professionnel me pousse à préférer l’expression de vérité, fût-elle la « proche vérité » à l’expression de ma « proche haine ». »
Graham Greene La Fin d’une liaison Le Livre de Poche – 384 pages –
Traduit de l’anglais par Marcelle Sibon
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