15/07/2024
John Steinbeck : A l’Est d’Eden
John Steinbeck (1902-1968) est un écrivain américain, prix Nobel de littérature en 1962. Au cours de sa carrière, il publie 27 livres, dont 16 romans, six livres non romanesques et deux recueils de nouvelles. Il est largement connu pour les romans comiques Tortilla Flat (1935) et Rue de la sardine (1945), la saga familiale A l'Est d'Eden (1952), ainsi que pour les courts romans Des souris et des hommes (1937) et Le Poney rouge (1937). Les Raisins de la colère (1939), lauréat du prix Pulitzer, est considéré comme son chef-d'œuvre.
De ce billet, la seule chose à retenir c’est qu’il faut impérativement avoir lu Des Souris et des hommes, Les Raisins de la colère et cet A l’Est d’Eden, trois grands classique de la littérature mondiale. A l’Est d’Eden a été adapté au cinéma par Elia Kazan (1955) qui n’utilisera que la dernière partie du livre.
Quatre parties pour ce roman se déroulant entre la Guerre de Sécession (1862) et la première Guerre mondiale (1915), période charnière entre deux siècles, aube des temps modernes, dans la vallée de la Salinas en Californie. Nous y suivons le destin de deux familles sur plusieurs générations, les Trask et les Hamilton.
Les Hamilton, Samuel et Liza, sont des immigrés Irlandais fermiers en Californie. Ils ont quatre fils et cinq filles, dont l’une, Olive épouse Steinbeck, est la mère du narrateur... Cyrus Trask, lui, est propriétaire d'une ferme dans le Connecticut. Il a eu deux fils, Adam et Charles, mais pas de la même mère. Adam part s’installer en Californie avec son épouse Cathy (Kate) dans la Vallée de Salinas où elle accouche des jumeaux Aaron et Caleb. Lee, le serviteur chinois, gère tout, les deux bébés et la maison. Bien vite, Kate abandonne mari et enfants, le père faisant croire aux enfants que leur mère est morte. Adam loue sa ferme et s’établit avec Aaron et Caleb en ville, à Salinas et c’est là que Caleb apprend que sa mère n'est pas morte, qu'elle habite en ville et qu’elle y tient un bordel !
Dix lignes pour résumer un bouquin de sept cents pages, c’est raide comme boire un alcool fort cul sec. Dès les premières pages du roman on est saisi par la puissance du texte, certes au final on peut aussi lui trouver des faiblesses mais laissons tomber ces chipotages, réjouissons-nous plutôt du plaisir de la lecture qui allie la densité commune aux sagas familiales et la profondeur des réflexions et enseignements sur le sens de la vie.
Steinbeck nous plonge dans une Californie en devenir, sa vie sociale à l’époque, les réalités économiques, la pauvreté, la discrimination raciale (Lee le chinois : « dans quelques années vous aurez perdu les signes distinctifs de l’Irlandais. Alors que moi qui suit né en Amérique, qui suis allé à l’école, qui ai passé plusieurs années à l’université de Californie, je n’ai aucune chance de jamais passer pour un Américain ») et la violence mais aussi l’enthousiasme de certains de ses acteurs visionnaires (« l’avenir de la Vallée qui serait un jour un paradis. Et ce n’était pas là une conjecture, mais une certitude. ») Dans ces décors, le bien et le mal vont s’affronter, symboliquement (et peut-être un peu lourdement ?) représentés par les allusions bibliques, Adam, Caleb, Aaron etc. et la rivalité fraternelle entre les frères (d’abord entre Adam et Charles, puis entre Caleb et Aaron).
Tous les personnages sont en permanence dans l’incertitude, qui suis-je exactement ? Quelle est ma place au sein de ma famille ? Comment gagner l’amour de mon père ? Les choix moraux les taraudent et plus ou moins maladroitement cherchent la rédemption, une constante de la nature humaine, au risque de ne savoir/pouvoir aimer ? Adam épris de calme, Charles dur et violent, Cathy le mal personnifié, Lee le sage qui distille son bon sens…
Un très grand roman, une lecture indispensable, un point c’est tout !
« La main de Lee trembla lorsqu’il remplit les tasses translucides. Il but la sienne d’un trait. « Ne comprenez-vous pas ? Lança-t-il d’une voix forte. D’après la traduction de la Bible américaine, c’est un ordre qui est donné aux hommes de triompher sur le péché, que vous pouvez appeler ignorance. La traduction de King James avec son tu le domineras promet à l’homme qu’il triomphera sûrement du péché. Mais le mot hébreu, le mot timshel – tu peux – laisse le choix. C’est peut-être le mot le plus important du monde. Il signifie que la route est ouverte. La responsabilité incombe à l’homme, car si tu peux, il est vrai aussi que tu peux ne pas, comprenez-vous ?"
John Steinbeck A l’Est d’Eden Folio - 786 pages -
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jean-Claude Bonnardot
06:00 Publié dans Etrangers, ROMANS | Tags : john steinbeck | Lien permanent | Commentaires (8) | Facebook |