24/02/2025
H.P. Lovecraft : L’Ombre sur Innsmouth
L’écrivain américain Howard Phillips Lovecraft (1890-1937), l’un des maîtres du fantastique et l’un des précurseurs de la science-fiction est à présent considéré comme l'un des écrivains d'horreur les plus influents du XXe siècle avec Edgar Allan Poe. « Le plus grand artisan du récit classique d'horreur du vingtième siècle » selon Stephen King. L'Ombre sur Innsmouth est un court roman publié pour la première fois en 1936.
Massachussetts, Nouvelle-Angleterre, à la fin des années 1920. Le narrateur, jeune homme jamais nommé, visite la région en train ou bus pour s’éviter des frais, avec pour but, Arkham où il a des attaches familiales. Un problème de correspondance lui fait préférer emprunter un bus passant par Innsmouth où il trouvera moyen de poursuivre vers son but final plus rapidement. Ceci malgré les avertissements lui déconseillant cette ville malsaine. En arrivant à Innsmouth, il découvre une ville portuaire en ruine « où planait la flétrissure » et dont les habitants ont des traits physiques déformés (yeux globuleux) et inquiétants. Zadok, un vieux poivrot, presque centenaire, en échange d’une bouteille de gnole, lui raconte, à l’abri des regards, tout ce qu’il sait de cette ville et des horreurs qui s’y trament…
La légère angoisse commence à prendre corps quand Zadok se lance dans une sorte de délire où il serait question de sacrifices humains en échange de poissons en abondance, du culte de Dagon (Dagon est un « Grand Ancien », dieu poisson, dans le mythe de Cthulhu) qui a supplanté les églises traditionnelles et d’accouplements entre des monstres marins et des humains qui assureraient une immortalité sous-marine… Le narrateur peine à croire ces élucubrations même si le doute s’insinue lentement dans son cerveau. Obligé de passer une nuit sur place dans un hôtel miteux, les doutes vont se transformer en réalité quand la nuit, on cherche à forcer sa porte : qui est derrière cette porte ? « La puanteur devint irrésistible, et les bruits enflèrent jusqu’à produire une Babel de coassements, de hurlements et d’abois sans le moindre soupçon de langage humain. » Une poursuite affolante s’engage, d’autant plus effrayante que maintenant il les a vus, des êtres poissons-grenouilles aux yeux « prodigieusement globuleux qui ne se fermaient jamais », se déplaçant en sautillant sur deux ou quatre membres !
Notre malheureux jeune homme va néanmoins leur échapper et fuir la ville. L’histoire se termine bien s’étonne le lecteur ? Oh que non ! Deux ans plus tard, des recherches généalogiques vont lui révéler un monstrueux secret qui amorcera son destin tragique et hallucinant. Argh !
Lovecraft explore l'idée que l'univers recèle des forces anciennes et incompréhensibles pour nos cerveaux humains et que certains de nos congénères peuvent accepter un pacte avec ces monstres en échange de biens matériels, ici sauver leur port en pleine décomposition contre des pêches miraculeuses, assorti d’un autre win/win, l’immortalité pour les humains issus de croisements contre-nature, et la possibilité pour ces « choses » d’investir la terre et étendre leur pouvoir/conquête du monde. Enfin, dernier thème, le narrateur, malgré ses efforts pour échapper à Innsmouth, sera finalement rattrapé par son destin ce qui souligne l'inéluctabilité de certaines forces.
Ça m’amuse plus que ça ne m’effraie mais j’adore !
« Rien de ce que j’aurais pu imaginer – rien même de ce que j’aurais pu inférer si j’eusse ajouté foi le plus littéralement du monde au récit insensé du vieux Zadok – ne pouvait se comparer tant soit peu à la réalité démoniaque, blasphématoire, que j’aperçus – ou que je crois avoir aperçue. J’ai essayé d’insinuer ce dont il s’agissait pour différer l’horreur d’avoir à l’écrire sans détours. Se peut-il que cette planète ait effectivement engendré de telles choses ? Que des yeux humain aient bel et bien vu objectivement, en chair et en os, ce que l’homme n’avait connu jusqu’ici que dans ses fantasmes fiévreux et des légendes impondérables ? »
H.P. Lovecraft L’Ombre sur Innsmouth Gallimard La Pléiade - 142 pages –
Traduction par Laurent Folliot
06:00 Publié dans HORREUR/FANTASTIQUE | Tags : lovecraft | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
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