Laurent Gaudé : Zem

Laurent Gaudé, né en 1972 à Paris, est un écrivain français. Il a obtenu le prix Goncourt des lycéens et le prix des libraires avec La Mort du roi Tsongor, en 2002, puis le prix Goncourt pour son roman Le Soleil des Scorta, en 2004. Son dernier roman, Zem, vient de paraître, c’est la suite de Chien 51 (qui vient d’être adapté et sortir en salles de cinéma) mais on peut le lire seul.

Une effrayante dystopie qui s’achève néanmoins avec beaucoup de lyrisme et une lueur d’espoir.

Dans un futur possible, Magnapole est une ville divisée en zones sociales, dominée par le consortium GoldTex. Zem Sparak, ancien flic déclassé et traumatisé, assure désormais la sécurité rapprochée de Barsok, un homme politique qui promet d’abolir les différences de classe et de réunifier la ville. A ses côtés, l’inspectrice Salia Malberg, elle-même salement traumatisée. Alors que la ville s’apprête pour une grande fête sous l’œil des caméras, un container sur le port révèle cinq cadavres décédés dans d’étranges circonstances ; Zem et Salia mènent l’enquête qui aura des conséquences insoupçonnées…

L’intrigue est assez complexe à suivre, surtout au début, les noms sont compliqués à retenir, la géographie que nous connaissons n’existe plus ici ou sous d’autres noms qui font mal aux oreilles, la technologie de pointe est partout : Salia communique dans son oreillette avec Motus, une Intelligence Artificielle, la nature est quasi détruite, la ville est sous un dôme protecteur des pluies acides, l’eau potable manque et les plus aisés profitent de celle d’icebergs rapportés au port par un cargo… La société est divisée entre les gens qui obéissent et les autres, improductifs ou rebelles expulsés vers les zones défavorisées. Un commando anonyme, la NightForce, intervient promptement pour neutraliser ou pire, les récalcitrants ou dangers potentiels pour le pouvoir en place, « pour que la nuit soit aussi sûre que le jour. » Ambiance, ambiance.

Sans aller plus loin dans l’intrigue, l’enjeu se sont des terres rares, donc de l’énergie, donc des pouvoirs accrus et illimités, exploitées dans une mine située dans l’ex-Chypre par de véritables esclaves, « un peuple condamné à un châtiment antique : celui du travail sans fin ». Quelques rares résistants tentent de changer les choses, sans grand espoir, « Que les dieux nous pardonnent de ne pas mettre à bas ce monde qui ne ressemble plus à rien », déplore un vieil homme.

Le roman reflète les dérives des sociétés occidentales avec sa consommation effrénée, l’exploitation des plus faibles, la destruction environnementale et les discours de propagande, nos deux héros, Zem et Salia, représentant la possibilité de lutter contre ce qui semble inéluctable, modèles de la résistance individuelle. Enfin, particulièrement pour ceux qui ont lu le volume précédent, Zem aboutira à la fin de sa quête identitaire après trente ans d’exil.

Un (assez) bon roman dans ce genre littéraire…

 

« C’est cela qui est génial. Le timarex provoque une addiction au tassilium. C’est tout simple. Vous n’avez plus envie de partir parce que vous avez besoin, physiquement besoin d’être là, dans la mine, au contact de la roche. Des ouvriers qui ne peuvent pas se passe de leur matière première, ce n’est pas une idée géniale ? Plus personne ne veut s’en aller. C’est comme une prison sans barrière. Ils n’ont qu’une envie, extraire, encore et encore. Parce que cela offre à leur corps des particules qui calmeront le manque. Les rares qui ont essayé ne tiennent pas longtemps. Ils deviennent fous, se déchirent le visage avec les ongles. (…) L’organisme finit par imploser. »

 

Laurent Gaudé   Zem   Actes Sud   - 272 pages -