20/10/2025
Arthur Nersesian : Hell Gate Story
Arthur Nersesian, d'origine arménienne et irlandaise, est né en 1958 a grandi à Brooklyn et vit toujours à New York, où il enseigne la littérature. Son premier roman, Fuck Up, a connu un très grand succès lors de sa parution en 1991. Hell Gate Story, son dernier ouvrage, vient de paraître.
New York, East Village en l’an 2000. Orloff Trenchant, le narrateur, est un artiste peintre à la peine, réduit à vivre dans son van pourri après s’être séparé de June qu’il suspectait de l’avoir trompé. Il tente désespérément de terminer un tableau qui pourrait, selon lui, changer sa vie tout en trainant dans les bas-fonds de la ville, vendant des livres d’occasion dans la rue pour survivre. C’est là qu’il va croiser Rita, un coup de foudre immédiat qui va l’embarquer dans une aventure où se mêleront passion, destruction et leçon de vie…
Le récit surfe sur une tonalité douce-amère, entre humour (« Courges décoratives, mixtures bizarres et grosses légumes indigestes : la description s’appliquait autant au buffet automnal qu’aux convives »), passion houleuse et drame.
Et le lecteur de suivre Orloff, d’expositions en vernissages, de ragots colportés par les uns et les autres, tous artistes cherchant la reconnaissance en s’attirant la bienveillance des galeristes ou marchands d’art. Réflexion sur l’art et le commerce, à priori antinomique mais néanmoins réalité. Notre héros passe d’une souffrance à une autre, après avoir pleuré la perte de June, c’est Rita qui lui en fera voir de toutes les couleurs car disons-le franchement c’est une junkie, « Il était terrifiant et excitant d’être avec elle ». Tout en pensant à elle en permanence, il s’accorde des moments de réconfort avec Bethsheba, une artiste elle aussi, à moins qu’il ne soit pris en pitié par Lynn, la vietnamienne peintre, qui survit en bossant à la caisse d’un traiteur du quartier chinois.
Quand il décroche une commande, sculpter une stèle mortuaire dans un gros bloc de pierre pour une belle somme d’argent pour une date précise, il s’engage dans un contre-la-montre où il va suer sang et eau, se débattre avec mille problèmes pour ensuite l’acheminer jusqu’au cimetière avec son véhicule hors d’usage. C’est amusant et triste à la fois, Orloff n’est pas un mauvais bougre mais il fait un peu pitié.
Les péripéties s’enchainent alors que les élections approchent, marquées par les déboires post-électoraux des deux candidats principaux, le démocrate Al Gore et le républicain George W. Bush, qui doivent attendre les résultats de l'Etat de Floride, déterminants pour le résultat final, pendant plus d'un mois.
Le roman avance vite, les références culturelles abondent et le milieu de l'art contemporain est l’objet d’une satire ironique. Notre héros représente l’artiste en galères, en marge de la société, cherchant à travers son art une forme de salut, tandis que sa relation agitée avec Rita symbolise à la fois l’espoir et la chute, mêlant désir et autodestruction, mais aussi leçon de vie, « même si je devais renoncer à une partie de ma liberté artistique et travailler, ma propre auto-dégradation devait cesser. »
Enfin, Arthur Nersesian est très certainement l’un des meilleurs écrivains pour nous faire découvrir New York, ses quartiers les moins rutilants, parfois même les plus glauques, mais cette face de la ville existe bel et bien et Orloff en est son héraut, par ses œuvres, « ensemble elles formaient une impressionnante chronique, assez cohérente, d’une ville vivante, mouvante. »
Encore un bien bon roman de cet écrivain.
« Il m’a considéré avec une trace de déception dans le regard et a dit : « Or, je n’ai pas d’enfants. En tant qu’artiste, tout ce que j’ai ce sont des protégés, et je te considère comme l’un d’eux, peut-être même comme le jeune artiste le plus talentueux que j’ai rencontré depuis des années. Je sais que tu crois avoir la plus grosse poisse du monde, mais ce n’est pas le cas. Tu passes juste ton temps à te saboter. C’est toi qui crées ta malchance et tu ne t’en rends même pas compte ! »
Arthur Nersesian Hell Gate Story La Croisée - 316 pages -
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Charles Bonnot
06:00 Publié dans Etrangers, ROMANS | Tags : arthur nersesian | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
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