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31/01/2020

Faut-il se ruer sur les nouveautés littéraires ?

Ceux qui me lisent régulièrement ont constaté que je ne chronique pas que des nouveautés, loin de là au contraire. Je prends même un certain plaisir, genre marque de fabrique, à me distinguer de nombreux autres blogs. Certes j’ai mes chouchous, comme les romans de Philippe Djian par exemple, que j’achète le jour de leur parution en librairie mais ils sont assez rares et nul n’est parfait.

Plus sérieusement, je m’interroge sur l’intérêt ou le bienfait de lire les romans dès qu’ils sortent. Est-ce vraiment une nécessité ou un snobisme élitiste ? Les deux points de vue se valent et je ne veux critiquer ni l’un ni l’autre car dans un autre domaine, musical pour ne pas le citer, durant plusieurs dizaines d’années je me suis rué chez mon disquaire pour acheter les nouveautés qui sortaient ; donc, je connais le plaisir trouble et l’indescriptible joie d’être parmi les premiers à profiter d’une œuvre dont on va parler plus tard dans la presse et parmi les groupes de fans…

Revenons-en aux livres et au sujet de ce billet. Si lire les livres sans trop tarder après leur parution peut sembler une urgence artificielle – et vu tout ce qui sort quasi impossible – c’est très souvent ( ?) le meilleur choix. Parce qu’aujourd’hui plus qu’hier, les romans traitent de près ou de loin, de problèmes sociétaux et sans prétendre qu’ils seront dépassés dans cinq ou dix ans, nos sociétés évoluant à une vitesse jamais atteinte jusqu’à maintenant, il faudra lire ces livres en gardant bien en tête leur date d’écriture, se remettre dans le contexte historique de leur création, ce qui n’est pas toujours facile pour avoir un avis objectif sur nos lectures.

On le constate très bien quand on s’attaque à un roman datant du XIXème siècle par exemple. On peut adorer l’ouvrage mais il contient une part d’amusement ou d’irritation que seul le décalage historique apporte. Lors de sa parution, cet élément n’en faisait pas partie pour le lecteur de l’époque. Un « plus » ou un « moins » factice en somme. Lire avec mes yeux d’aujourd’hui ce qui a été écrit hier, me laisse toujours un goût bizarre en bouche et de multiples interrogations en tête : ai-je souri ou râlé sur tel passage, par la volonté de l’auteur ou bien est-ce ma mentalité d’aujourd’hui qui m’anime ? Aurais-je souri ou râlé à ce même moment si j’avais lu le livre il y a cent ans ? Ou plus complexe encore, telle hypothèse/invention avancée par l’écrivain qui se trouve validée aujourd’hui par la réalité, est-elle un phénoménal coup de pot ou une véritable vision prophétique de l’écrivain ? D’où cette question qui en découle logiquement, le talent est-il éternel ou lié à une époque ?

Je pense que la question est tranchée depuis belle lurette, à part les exceptionnels génies de la littérature, pour leur grande masse, les écrivains sont liés à leur époque. Ce qui explique qu’on ne lise plus aujourd’hui des écrivains dont on saluait le talent il y a très longtemps, voire qu’on couronnait de prix prestigieux alors.

Il est donc préférable de lire des livres récents pour être certain d’en apprécier ou pas les qualités à leur juste valeur. J’ai pris le XIXème siècle comme exemple car il me paraissait le plus facile à comprendre mais on peut décliner ma démonstration autrement encore. Outre les sujets sociétaux, il y a aussi les sujets à la mode, exemple les thrillers gravitant autour des tueurs en série ou les romans d’anticipation avec androïdes et robots. Lire aujourd’hui un excellent roman de ce genre mais qui serait paru il y a vingt ans va certainement avoir un goût de réchauffé. Un comble car c’est peut-être l’œuvre d’un précurseur génial, mais lu après vingt ou trente bouquins traitant du même sujet, il sera difficile malgré de gros efforts, d’en voir la réelle innovation comme ceux qui l’auront lu lors de sa parution. C’est injuste, mais la vie l’est souvent.

Pour conclure, il n’est pas question de faire l’impasse sur d’anciens romans, en tout cas ne comptez pas sur moi, mais il me semble préférable, tout bien réfléchi et dans la mesure du possible, de lire les bouquins relativement rapidement après leur parution. Certes il n’y a pas de date limite de consommation mais il faudra plus ou moins se hâter, en fonction du sujet traité, pour que le goût n’en soit pas altéré car si les très grands romans sont intemporels, la production globale l’est moins.