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04/09/2025

Dörte Hansen : Quelque part en mer

Dörte Hansen, Dörte Hansen est née en 1964 à Husum une petite ville côtière au Nord de l’Allemagne. Grande voix de la littérature allemande contemporaine, Dörte Hansen a fait des études de langues et de linguistique avant de se tourner vers le journalisme pour la presse écrite et la radio, avant de publier son premier roman, A l’ombre des cerisiers (2016), qui a été élu « livre préféré » des libraires indépendants allemands. Elle vit actuellement près de Hambourg. Paru cette année, Quelque part en mer est son dernier roman.

Le décor, une petite île de la mer du Nord, les principaux personnages, la famille Sander. Il y a la mère, Hanne, guide du musée local, c’est elle qui a élevé ses trois enfants aujourd’hui adultes : Ryckmer, détruit par l’alcool, de commandant de pétrolier il a déchu à manœuvrer le ferry qui relie l’île au continent ; Eske, la fille rebelle, tatouée « de la poitrine aux genoux » et fan de Heavy Metal, elle est infirmière dans la maison de retraite ; Henrik, le benjamin, vit dans sa bulle, artiste il travaille le bois flotté. Le père, Jens, s’est retiré du foyer familial il y a une vingtaine d’années, de sa cabane en bord de mer, il observe les oiseaux.

Si ce résumé n’incite pas particulièrement à se précipiter vers ce roman, sachez pourtant qu’il est franchement excellent !

Dès le premier chapitre j’ai été envoûté par le style et l’écriture de Dörte Hansen. Cette entame est très soignée, très musicale, de courts paragraphes comme les paroles d’une chanson, des phrases répétées comme un refrain. Magistral. La suite du récit change de registre mais reste néanmoins très travaillée, douceur du texte et légère complexité à suivre quand un fait est décrit avant qu’on ne sache qui en est le sujet.

Les membres de la famille éclatée cherchent à se reconstruire comme ils peuvent et préserver leur communauté. Et ce n’est pas facile car ils doivent aussi tenir compte de l’évolution du monde, le dérèglement climatique qui affecte les pêcheurs en voie de disparition ; les touristes plus nombreux chaque été, ils envahissent tout et les îliens se retranchent derrière leurs volets dès qu’ils débarquent du ferry, modifiant les paysages (constructions de résidences secondaires) et les habitudes locales. Tradition contre modernité, le fameux débat.

Outre les hommes, la nature est au cœur du livre, la mer bien entendu, nourricière mais aussi meurtrière, gagnant sur la terre chaque année un peu plus. Et puis ce vent qui souffle en permanence, les cris des oiseaux marins et cette baleine qui s’échouera sur la plage, comme un symbole, « condamnée à étouffer parce qu’elle avait quitté son élément », le sort réservé aux îliens ?

 La vie sur l’île au gré des saisons est fort bien décrite et les personnages extrêmement attachants grâce à l’écriture de l’auteure faite de poésie et de tendresse.

Remarquable.

 

« Les gens des îles ont toujours été durs au mal. Supportant le froid, le mal de mer et le mal du pays, l’incertitude, l’attente, la pauvreté. Mais l’idée d’être immergé quelque part dans l’océan, jamais. Le dernier espoir était une sépulture avec une stèle dans le cimetière de leur île. Il aimerait bien croire que ça lui est égal. Qu’ils peuvent, quand il sera mort, faire de lui ce qu’ils voudront, mais il reste, à cet égard, un îlien. Même s’il en a terminé depuis longtemps avec la navigation, il veut être enterré comme un capitaine, là où reposent les navigateurs du Groenland. »

 

Dörte Hansen, Dörte Hansen   Quelque part en mer   Stock  - 300 pages - 

Traduit de l’allemand par Elisabeth Landes