03/11/2025
Roger Nimier : Perfide
Roger Nimier (1925-1962) est un écrivain, journaliste et scénariste français. Il est considéré comme le chef de file du mouvement littéraire dit des « Hussards » dont le noyau dur comprend Antoine Blondin, Michel Déon et Jacques Laurent. Perfide, roman paru en 1950, vient d’être réédité en poche.
Un roman extrêmement drôle et destiné à tout le monde mais tellement foutraque qu’il ne plaira pas à tous. Moi-même, si j’ai beaucoup ri, je n’ai pas pris réellement plaisir à le lire, pas très friand du style, des sauts du coq à l’âne etc.
La France de l’après-guerre sous la quatrième République. Les principaux personnages du roman sont une petite bande de garçons de quatorze ans dont la particularité est d’être très mauvais en classe : Jérôme Melba, le fils du président du Conseil, André Jouvipare « une façon de gros garçon, les traits en saillie mais l’esprit en retrait » et Charles Fronceville. La petite clique joue au poker avec un vieux Géorgien, le comte Griniouvski, et perd pas mal d’argent, ou joue aussi aux courses, bref on se délecte dans la débauche, regardant de haut Perfide, « à l’air modeste et au front studieux », toujours premier en classe, au point que son nom n’était jamais cité lors des remises des résultats des compositions.
Les épisodes narratifs s’enchainent de manière un peu (beaucoup) décousue à mon goût, citons en quelques-uns en vrac : un professeur de l’école est assassiné, poignardé, « C’était du petit cadavre mal nourri, peu de sang dans les veines », ce qui nous vaut des développements d’enquête complètement loufoques ; la presse s’intéresse beaucoup aux crimes d’une bande de chourineurs ; l’un de nos garnements sera dépucelé par Nicole, la femme du président Melba, une rousse aux mœurs légères et donc mère d’un des copains de l’amant !; mais le plus désopilant réside dans les séances à l’Assemblée Nationale où l’on débat « de la loi portant imposition sur les possesseurs de cannes, pommeaux, cannes-épées, et cannes-sièges » quand on ne s’écharpe pas avec fracas (« - Etron ! Cul d’ours ! lui cria Billancourt. – Retirez vos paroles, monsieur Billancourt ! – Ferme ton chancre, sale con ! »
Pour en terminer avec l’intrigue, si Perfide donne son titre au roman, c’est que son nom en dit déjà beaucoup sur le rebondissement final…
Je l’ai dit, c’est très amusant, humour corrosif (« Le parloir contenait les photographies des élèves primés au Concours Général. Ils avaient tous un air de famille qu’on retrouverait sans doute sur les visages des porcs sélectionnés dans les comices agricoles. »), orthographe moqueuse pour les anglicismes (musicôle, nioulouke, cheouine-gum…), critique des acteurs politiques (« - Si l’on y réfléchit bien, déclara le premier délégué de la C.G.T., on voit que tout est de la faute du peuple. Ça ne veut pas travailler et ça mange du poulet le dimanche. »), et surtout le bordel monstre à l’Assemblée Nationale… mais là, est-ce vraiment étonnant ?
Un roman amoral à l’ironie mordante, s’appuyant sur une génération désillusionnée et marquée par la guerre, faisant preuve de cynisme pour se révolter contre les valeurs traditionnelles et l’hypocrisie de la société bourgeoise.
« - Ce qui serait immoral, répondit M. le Marchavec, ce serait de refuser au gouvernement l’argent dont il a besoin. Car enfin, ces anciens combattants de 14-18, d’où tirent-ils leur pension ? De l’Etat ! En payant librement et joyeusement l’impôt sur les cannes, abattu de deux pour cent, comme ils le feront, j’en suis sûr, ils assureront leur avenir, la sécurité des leurs, la fraternité des peuples et le salut de la République. (Applaudissements au centre et sur divers bancs de gauche et de droite.) »
Roger Nimier Perfide Folio - 238 pages -
06:00 Publié dans Français, ROMANS | Tags : roger nimier, antoine blondin, michel déon, jacques laurent | Lien permanent | Commentaires (0) |
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